Griffonnages

Blog de Michel Brouyaux

René Halin a été assassiné


René HalinLettre à René Halin, mort sous la torture voici 70 ans, le 8 décembre 1943, au Fort de Huy,

Vous n’aviez réclamé la gloire ni les larmes,
Ni l’orgue, ni la prière aux agonisants…
(Aragon)

 

Cher René,

 

Je n’ai pas eu l’honneur de te connaître.

Je te demande donc de me pardonner ma familiarité.

Je t’ai rencontré voici bien longtemps : j’avais dix ans, peut-être onze. Mon père nous faisait visiter le Fort de Huy où, dès la fin des années 50, hommage était rendu aux résistants au nazisme qui, nombreux, y avaient été emprisonnés, torturés, assassinés. Nous étions enfants, et la guerre nous semblait loin. Une affaire d’adultes. Mais, dans une cellule , j’étais resté pétrifié devant cette inscription : « Ici Halin s’est pendu pour ne pas vendre ses camarades ».

Cette phrase s’est gravée dans ma mémoire, et ton souvenir ne m’a plus quitté.

J’avais, naguère, rêvé d’écrire un livre : ton histoire.

Récemment, je suis revenu au Fort avec mon fils aîné. Ce fut un nouveau choc, puisque j’y ai découvert que tu es, en réalité, mort des suites de tes tortures. La première version de ton décès était en fait celle des Allemands, pour qui la vérité était trop embarrassante. (Ils avaient poussé la mise en scène jusqu’à te mettre un lacet autour du cou!)

Tu étais imprimeur (une imprimerie bien cotée en ville, comme l’écrivait la presse de l’époque). Tu imprimais des tracts pour le Front de l’Indépendance. Mais aussi des fausses cartes d’identité, des faux certificats de travail. Tu récoltais des fonds. Tu résistais. A dater de la parution du faux « Soir », en novembre, l’Occupant avait les imprimeurs dans le collimateur.

Tu es arrêté le 6 décembre, sur dénonciation d’un voisin… Tu meurs deux jours plus tard, sans avoir rien avoué, ni « vendu » personne. L’honneur t’était naturel. Quand la facture arrive, on la paie.

Comment nous serions-nous comportés, à ta place ? Je préfère ne pas y penser.

Je ne veux pas que cette lettre soit trop longue, et je ne veux pas t’ennuyer avec mes états d’âme. Pas de grandiloquence, pas de trémolos, tu n’aurais pas aimé. Observant simplement qu’il n’y a pas (j’ai vérifié) ni à Huy, ni ailleurs, de rue à ton nom, je te fais savoir que la rue René Halin existe dans nos coeurs. Et pour toujours.

Je m’incline devant ta mémoire. Le 8 décembre, j’irai fleurir ta tombe, à Saint Léonard.

Mais j’allais oublier le principal : merci, René !

Merci pour tout !

 

Michel Brouyaux


Categorised as: Non classé


4 Comments

  1. Un lecteur dit :

    Merci à vous pour ce billet, qui m’a appris plus sur ce héros. J’apprécie votre sagesse qui point dans « je préfère ne pas y penser ».

    Et merci pour le reste du blog aussi!

  2. Janati Tariq rene de mère halin dit :

    Je m appelle Tariq rene janati et ce héros est mon arrière-grand-père paix à son âme qui vit encore et toujours dans moi merci de perpétuer sa mémoire et sa bravoure . Bien à vous. Sa descendence vous honore

  3. Janati Tariq rene de mère halin dit :

    Ma Mamy est décédé l été passé et ma maman bien avant mais les Halin sont toujours là et nombreux et fier de lui grâce à vous

  4. michel dit :

    Oui, dans quelques jours, il y aura 75 ans qu’il a été assassiné. J’habite à 30 kilomètres, je ne passe jamais devant le Fort de Huy sans y penser. Je vois qu’il vit dans vos coeurs, c’est vraiment bien.
    Cordialement,

    Michel

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