Griffonnages

Blog de Michel Brouyaux

Toussaint Louverture

toussaint_louvertureToussaint Louverture. de Aimé Césaire

Toussaint Louverture. de Madison Smart Bell.

 

Les lecteurs qui voudraient « aller plus loin » dans l’histoire de Haïti (merci à Frédéric Thomas de m’en avoir donné l’envie) liront avec profit ces deux biographies de celui qu’on appelle là-bas le précurseur.

A Haïti, « possession française », les esclaves importés d’Afrique qui travaillent dans les plantations sont traités comme du bétail et même pire, puisqu’ils endurent souvent, à la moindre incartade,punitions, sévices physiques et exécutions sommaires.

En 1789  leur parvient l’écho de la Révolution française, qui proclame la liberté, l’égalité et la fraternité. Ils décident de prendre cela au sérieux. A leur tête, un esclave affranchi, Toussaint Louverture, qui se révèlera d’abord un brillant politique, puis un remarquable chef de guerre.

toussaint_louverture_2Dans une première phase, les esclaves recherchent l’appui de l’Assemblée nationale française à Paris. Celle-ci est divisée : les Droits de l’Homme, d’accord ; mais à des Noirs ?

Aimé Césaire (dont on ne recommandera jamais assez le Discours sur le colonialisme, publié chez le même éditeur), nous rapporte de larges extraits des séances de cette nouvelle Assemblée. On y voit les partisans de la fin de l’esclavage (Robespierre, l’Abbé Grégoire, Viefville des Essarts..) affronter les représentants des colons. Les débats, passionnants, semblent tout-à-fait contemporains : le Progrès face à la Réaction avec, bien sûr, les centristes et autres chèvre-choutistes (les oui-mais, les ni-ni) sans qui la scène ne serait pas complète.

La fin de l’esclavage semble acquise.

Mais Napoléon, après son 18 brumaire, remet tout en question. Notamment au nom de la « raison d’état », (sans l’esclavage, l’île pourrait devenir indépendante, et la France, ses ports, son commerce, auraient trop à y perdre.), il rétablit l’esclavage et envoie un corps expéditionnaire pour « rétablir l’ordre ». Il y perdra 50.000 de ses meilleurs grognards, Toussaint n’ayant eu d’autre choix que de prendre la tête de la résistance armée. C’est, notamment, la description des combats, de la stratégie et l’ habileté tacticienne de Toussaint qui font du livre de Madison Smart Bell un complément utile à celui de Césaire.

L’indépendance de l’île (avec 150 ans d’avance sur les mouvements anticolonialistes du Tiers-monde) sera proclamée en 1804, même si Toussaint n’aura pas l’occasion d’en être, puisque Napoléon aura réussi à s’emparer de lui et à l’interner au fort de Joux, dans le Jura, où il mourra rapidement.

Ainsi s’achève le parcours du premier grand leader anticolonialiste que l’Histoire ait connu. (Aimé Césaire)

Napoléon, lui finira par admettre, dans un mémoire rédigé à Sainte-Hélène, qu’il avait eu tort de s’opposer à la révolte des esclaves de l’île et qu’il l’avait fait contre sa propre inclination, entraîné par les criailleries des colons. (…) C’était une grande faute que de vouloir soumettre (cette colonie) par la force ; je devais me contenter de la gouverner par l’intermédiaire de Toussaint. (cité par Madison Smart Bell)

 

Résumés ici trop brièvement, ces deux livres sont absolument remarquables !

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Toussaint Louverture, d’Aimé Césaire. Edition Présence africaine.

Toussaint Louverture. Madison Smart Bell. Actes sud.

 


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